Comme Autrice

Rozae est ouvrière textile à son compte (« sa propre patronne et sa propre esclave »). De derrière ses machines, de l’intérieur de sa costumerie, du fond des malles à archives familiales, de sous les cintres, elle redonne vie et chair aux histoires : celles des femmes de l’ombre, celles qui ont écrit dans les marges, celles qui ont tiré les fils, éclaté les carcans, découpé les patrons pour devenir leurs propres patronnes.

Le texte se tisse à l’intersection de son histoire et de celle de Bleuenn, comme un tissu recto-verso. Bleuenn, la casanière, la tendre agnelle, éduquée à rester à sa place (« une place ne prenant pas de place ») décide, le jour de ses quarante ans, de prendre la route – en quête d’elle-même, sur les traces de son animalité et décidée à affronter, s’il le faut, le grand méchant loup. Pour seul bagage, un costume… d’homme. Et si changer de peau changeait notre regard sur le monde? Ou du moins – de plus! – celui que le monde porte sur nous ?

Bleuenn & Rozae [Nous sommes ici] est un ouvrage du genre tapisserie collective mais pas celle de l’Apocalypse, plutôt un joyeux patchwork de l’insurrection, tissé entre les usines abandonnées de nos vallées hexagonales et celles tournant aux trois huit à Tirana. Y apparaissent des femmes aussi diverses et fortes que Rosa Bonheur, Martha Desrumeaux, Angela Merkel ou des syndicalistes albanaises.